Allemagne : Pourquoi l’Allemagne est-elle si réticente à livrer des chars Léopard aux ukrainiens ?


Pourquoi l’Allemagne est-elle si réticente à livrer des chars Léopard aux ukrainiens ?

Publié le 23.1.2023


Les jeux de coulisse avec les chars.

Le journal Britannique Guardian décrit une situation amusante : le Premier ministre polonais Morawiecki a critiqué le refus de l’Allemagne de fournir des chars, et la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Berbock a répondu que la Pologne n’avait même pas demandé officiellement.

Un journal allemand dévoile ce qui rend le Premier Ministre Allemand peu méfiant sur la tactique de son allié américain dans le soutien à l’Ukraine.

(…) Jusqu’à présent, les raisons en ont été données de manière assez évasive par le gouvernement allemand. Cependant, l’industrie de l’armement allemande s’inquiète du fait que les Américains n’attendaient que d’offrir aux Européens un remplacement pour leurs livraisons de Leopard avec leurs propres chars américain.

La guerre d’Ukraine offre aux États-Unis l’opportunité, après les hélicoptères, les avions de chasse et les missiles, de prendre pied sur le marché européen de l’armement avec les véhicules blindés et d’évincer la concurrence allemande.

Ceci est soutenu par le fait que les Américains n’ont pas caché leurs intérêts en matière de politique d’armement pendant des décennies.

Dans les années 1960, ils ont fondé la Defence Security Cooperation Agency, une agence qui relève du département américain de la Défense. Son travail consiste à persuader les États d’acheter des armes américaines.

L’objectif est de les rattacher durablement aux États-Unis.

Pour les Américains, cela présente plusieurs avantages. Les partenaires disposant des mêmes armes sont plus faciles à intégrer dans les coalitions militaires dirigées par les États-Unis.

En achetant des armes, ils s’assurent également que leur vente augmente et donc que les coûts de production diminuent. Cela profite au Pentagone, qui doit payer moins pour ses armes.

Enfin, l’industrie américaine de l’armement peut investir les revenus supplémentaires dans l’amélioration et le développement de nouvelles armes. Cela renforce non seulement leurs capacités, mais augmente également « notre capacité à rester l’armée la plus destructrice au monde ». C’est du moins ce qui est écrit sur le site de la Défense Security Cooperation Agency.

De nouvelles réflexions ont commencé à circuler dans les médias allemands : « La guerre en Ukraine donne aux États-Unis une « opportunité unique » d’évincer l’industrie d’armement allemande. « C’est une question d’argent, de pouvoir et d’influence. »

La livraison de chars lourds à l’Ukraine toujours bloquée.

Deutsche Welle rapporte qu’une cinquantaine de pays étaient réunis ce vendredi sur la base militaire américaine de Ramstein, en Allemagne, pour discuter de l’aide à apporter à l’Ukraine.

Les ministres de la Défense de ce groupe de soutien à Kiev n’ont toujours pas réussi à trancher la question de la livraison de chars lourds et de missiles de longue portée à l’armée ukrainienne. La pression est notamment sur les épaules de l’Allemagne qui dispose des chars Leopard 2, réclamés par le président Volodymyr Zelensky, qui a appelé en ouverture de ce sommet les Occidentaux à « lancer un approvisionnement majeur qui arrêtera le mal ».

Mais selon le tout nouveau ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, pour qui ce sommet de Ramstein constitue la rampe de lancement sur la scène internationale, « il faut peser très soigneusement le pour et le contre ».

Le nouveau ministre allemand de la Défense Boris Pistorius prend la parole devant les micros des journalistes

Boris Pistorius participait à Ramstein à son premier sommet international en tant que nouveau ministre allemand de la Défense

La question « a été discutée » mais « aucune décision n’a été prise », précise le ministre, qui ne semble pour le moment pas rompre avec la ligne du chancelier Olaf Scholz : celle de temporiser, quitte à se voir critiquer de trainer des pieds dans le soutien à l’Ukraine. 

Mais « l’impression » que l’Allemagne s’oppose seule à la livraison de chars à Kiev est « fausse », a lancé Boris Pistorius. Berlin serait prêt à agir rapidement sur la question s’il y avait un consensus entre les alliés.

Définir les objectifs militaires de l’aide

De son côté, le ministre polonais de la Défense s’est déclaré vendredi « convaincu » que les alliés réussiront à créer une coalition pour livrer des chars Leopard à l’Ukraine. 

Reste à savoir sur quelle base les alliés discutent. Quels sont finalement les objectifs finaux de l’aide apportée à l’Ukraine ? 

C’est en tout cas la question que posent plusieurs journaux européens en commentant ce sommet. A l’image de la Frankfurter Rundschau qui demande s’il s’agit de chasser l’armée russe des nouveaux territoires occupés, ou bien de donner aux Ukrainiens une force de frappe capable de reconquérir la Crimée ? 

Une photo du char Leopord 2

Le char Leopord 2 est répandu en Europe, ce qui facilite l’accès aux munitions et pièces de rechange

« Les réponses à ces questions déterminent également la nature et l’ampleur de l’aide »”, dit le journal qui estime que ni Olaf Scholz, ni Joe Biden ou Emmanuel Macron n’ont jusqu’à présent « pris de décisions, ni expliqué leurs objectifs ».

La Repubblica en Italie voudrait également savoir si les alliés veulent « permettre à l’Ukraine de repousser la nouvelle offensive russe tant redoutée, ou qu’ils la dotent au contraire d’armes permettant une contre-attaque d’envergure, jusqu’à la reconquête de la Crimée. »

Offensive russe au printemps

En attendant, plusieurs pays ont annoncé de nouvelles aides importantes. C’est le cas du Royaume-Uni, qui va livrer 14 chars lourds Challenger 2, de la Suède, du Danemark, de la Finlande et des Etats-Unis.

Dans la liste des Américains ne figure toutefois toujours pas le char Abrams, l’équivalent du Leopard 2.  

Le secrétaire à la Défense Lloyd Austin et le général américain Mark Milley lors de la conférence de presse à Ramstein

Le général américain Mark Milley (à droite) estime qu’il sera difficile de chasser l’armée russe du territoire ukrainien d’ici la fin de l’année

« La population ukrainienne nous regarde. Le Kremlin nous regarde. Et l’histoire nous regarde », a lancé le secrétaire à la Défense américain Lloyd Austin. Les États-Unis disent s’attendent à une contre-offensive de l’Ukraine au printemps. Lloyd Austin a souligné ce vendredi qu’il s’agissait pour les alliés d’aider Kiev à s’y préparer.

Moscou a réagi en assurant que la livraison d’armes lourdes ne changera rien. Pour le Kremlin, les pays occidentaux entretiennent l' »illusion » d’une possible victoire ukrainienne « sur le champ de bataille ». 

« D’un point de vue militaire, je maintiens encore qu’il sera très, très difficile d’expulser les forces russes de toutes les zones d’Ukraine occupées », a déclaré le chef d’état-major américain.