Q SCOOP – Montréal : Le suicide de la Dre Dion est un signal d’alarme, selon son mari.


(Montréal) Le mari de l’urgentiste de l’hôpital de Granby qui s’est suicidée il y a quelques jours accepte de prendre la parole, au milieu de son deuil immense, pour souligner la grande détresse que vivent des travailleurs de la santé qui se donnent corps et âme sur le front de la pandémie depuis dix mois.

Le suicide de la Dre Dion est un signal d’alarme, selon son mari

Publié le 13.01.2021 par Sidhartha Banerjee La Presse Canadienne


PHOTO LA PRESSE CANADIENNELa docteure Karine Dion et son mari David Daigle, accompagnés de leur enfant

La docteure Karine Dion s’est enlevé la vie plus tôt ce mois-ci ; pour son mari, David Daigle, il ne fait aucun doute que la pandémie a joué un rôle dans cette tragédie. Mme Dion, âgée de 35 ans, n’a jamais contracté la COVID-19, mais elle s’est retrouvée en congé de maladie deux fois au cours de la dernière année — une première fois à la fin du mois de mars, après un épuisement professionnel en raison de l’anxiété liée au nouveau coronavirus.

C’est M. Daigle qui a décidé de raconter son histoire, en espérant que tous ceux qui auraient besoin d’aide pendant la pandémie auront accès à des soins appropriés. « Je ne veux pas que la mort de ma femme soit dans l’oubli, précise-t-il en entrevue téléphonique, mercredi. Plusieurs que je connais dans le milieu de la santé souffrent et sont en dépression, mais continuent à travailler quand même. »

M. Daigle venait de participer mercredi à une cérémonie commémorative à l’hôpital de Granby, où sa femme travaillait aux urgences depuis six ans. Le personnel avait placé des photos de la docteure Dion dans une pièce et des collègues étaient invités à écrire des messages dans un registre de condoléances.

M. Daigle raconte que sa femme avait d’abord travaillé pendant quatre ans à Chibougamau, dans le Nord-du-Québec, avant de déménager dans les Cantons-de-l’Est, où elle était urgentologue à Granby depuis six ans. M. Daigle est certain que sa femme a été une victime collatérale de la pandémie — que sa santé mentale a été minée par ce travail incessant.

Retour trop rapide au travail

La docteure Dion avait participé dans son hôpital à la planification en vue de la première vague de COVID-19, l’hiver dernier, avant de partir en congé de maladie fin mars. Elle est revenue au travail après quelques semaines — un peu trop vite, selon sa famille. « Elle n’était plus elle-même, soutient M. Daigle. Après ça, elle a recommencé à travailler trop vite : elle avait l’impression d’être en guerre, elle voulait aider tout le monde. »

Cela a duré jusqu’en septembre, quand elle est repartie en congé forcé. « Elle se sentait coupable d’avoir arrêté de travailler et d’avoir laissé ses collègues tout seuls : elle était complètement dans la culpabilité et la détresse. »

La docteure Dion, qui était soutenue par sa famille et des professionnels de la santé, avait mis sur pied un groupe de soutien en ligne pour les travailleurs de la santé des Cantons-de-l’Est. Quelques jours avant sa mort, M. Daigle sentait qu’elle allait mieux : elle prévoyait même de retourner au travail à la mi-février.

L’Association des médecins d’urgence du Québec s’est attristée lundi d’apprendre la mort de la docteure Dion. « Les prochaines semaines risquent d’être éprouvantes pour les médecins et leurs collègues des services des urgences et des centres hospitaliers », écrit l’association sur sa page Facebook. Elle invite ses membres, en cas de détresse, à chercher de l’aide et du soutien auprès d’organismes spécialisés.

M. Daigle, lui, a décidé de prendre la parole publiquement — ce n’est pas dans sa nature, dit-il — « pour ouvrir une lumière et dire qu’il faut faire attention ».

« Ma femme était une femme extraordinaire, exceptionnelle, et je ne l’oublierai jamais », laisse-t-il tomber au bout du fil.

Karine Dion était la mère d’un garçon de sept ans. Des proches ont lancé il y a quelques jours une campagne de souscription, sur le site « GoFundMe », afin de créer une bourse d’études pour le petit Jacob. Mercredi après-midi, on avait recueilli près de 37 000 $.


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