
La censure militaire israélienne vous cache la vérité par Thierry Meyssan
Publié le 21.10.2023
Analyse de Thierry Meyssan.
C’était l’information la plus importante de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », mais elle nous avait pourtant échappé. L’attaque d’Israël n’a pas été conduite par les jihadistes du Hamas, mais par quatre groupes armés unis. C’est la première fois, depuis cinquante ans, que les Palestiniens de Gaza s’unissent.
Qu’on le veuille ou non, les longues années d’indifférence occidentale au sort des Palestiniens se terminent. Désormais, il va falloir commencer à appliquer le Droit international.
Cet article fait suite à : • « Changement de paradigme en Palestine », 10 octobre.

Contrairement à ce que j’ai écrit la semaine dernière sur la base des dépêches d’agences de presse occidentales et arabes filtrées par la censure militaire israélienne, l’attaque d’Israël le 7 octobre 2023 (opération « Déluge d’Al-Aqsa ») n’a pas été perpétrée par le seul Hamas. Son déclenchement a été décidé par une chambre d’opération unitaire de l’ensemble de la Résistance palestinienne. Le Hamas, qui en est de loin la principale composante, a fourni l’essentiel des troupes, mais trois autres groupes y ont participé :
– le Jihad islamique (sunnite et khomeyniste), – le Front populaire de libération de la Palestine (marxiste) – et le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG). La presse occidentale a rendu compte des crimes barbares commis par certains des assaillants, mais pas du respect de certains autres. Vérification faite, les accusations de viols et de décapitations de bébés [1] relèvent de la propagande de guerre. Ce journalisme borgne et menteur ne doit plus nous étonner.
Cette précision modifie l’interprétation de l’évènement. Il ne s’agit plus d’une opération jihadiste des Frères musulmans, mais d’une attaque de l’ensemble des Palestiniens de Gaza. Seul le Fatah de Cisjordanie, qui se tient à l’écart des groupes précités et dont le président, Mahmoud Abbas, est gravement malade, n’y a pas participé.
Le but de cette opération n’était pas de « tuer des juifs », même si certains jihadistes du Hamas l’ont fait (les Israéliens dénombrent 2 700 morts au total), mais de faire des prisonniers, civils et militaires, pour les échanger avec les détenus arabes des prisons de haute sécurité israéliennes [2]. Ceux-ci ne sont pas nécessairement des combattants, mais aussi des civils. Les prisonniers ont été emmenés sans pouvoir se changer pour rappeler la manière dont l’armée israélienne avait traité les prisonniers égyptiens à la fin de la guerre des Six jours.
Rappelons que le conflit israélo-palestinien n’oppose pas deux États (celui d’Israël n’a toujours pas de frontières et celui de Palestine n’est toujours pas reconnu), mais deux populations. C’est une situation particulière : les Palestiniens ne sont pas représentés par un État et les Israéliens ont des responsabilités supplémentaires en tant que puissance occupante.
Ces évènements interviennent alors que, le 15 mai 2023, le Conseil de coopération du Golfe, le Groupe des 77, la Ligue des États arabes, l’Organisation de la coopération islamique et la Chine ont demandé la suspension d’Israël des Nations unies tant que Tel-Aviv ne respectera pas ses propres engagements [3]
1° L’Opération « Déluge d’Al-Aqsa » a-t-elle surpris Israël ?
Contrairement à ce qu’a prétendu le gouvernement de coalition de Benjamin Netanyahu, le « Déluge d’Al-Aqsa » n’a pas surpris Israël. Cette attaque était planifiée depuis les affrontements de mai 2021.
– Selon CNN, le Hamas a formé ses combattants en vue de cette opération durant un an et demi [4]. Il a construit six camps d’entraînement à Gaza et y a réalisé des films promotionnels. Des vidéos de ces entraînements ont été publiées des semaines avant l’attaque. [5]
– En mars 2023, le Hamas a envoyé une forte délégation en Russie. À cette occasion, il a prévenu le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, que sa patience était à bout et que sa colère était « en marche ».
– En 2023, l’Iran a organisé des discussions entre les diverses forces indépendantistes de la région, le Hezbollah, le Jihad islamique et le Hamas. Elles se sont tenues à Beyrouth (Liban) sous la présidence du général Ismaïl Qaani, commandant des brigades al-Qods des Gardiens de la Révolution iranienne. Elles avaient pour but de réconcilier ces acteurs qui s’étaient livrés une guerre féroce à Gaza, puis en Syrie. Ces réunions ont été rendues publiques, en mai 2023. À cette occasion la presse libanaise a évoqué la préparation de l’opération unitaire qui a été réalisée le 7 octobre. L’Iran est donc responsable de la réconciliation des factions palestiniennes.
– Le 30 octobre, le ministre égyptien du Renseignement, Kamel Abbas, a téléphoné au Premier ministre israélien, pour le mettre en garde contre une opération majeure du Hamas contre Israël [6]. L’Égypte qui combat les Frères musulmans était inquiète de voir Israël les laisser encore se développer.
– Le 5 octobre, la CIA a mis en garde le Mossad contre une opération majeure de la Résistance palestinienne unifiée. Les États-Unis étaient inquiets de son ampleur. Cependant, selon le New York Times, les rapports de la CIA (28 septembre et 5 octobre), toujours classifiés, ne mentionnaient pas l’usage de nouvelles techniques de combat par la Résistance palestinienne. Les services de Renseignement israéliens ont alors tenu une réunion pour évaluer la menace. Le Shin Bet (contre-espionnage) et Amman (Renseignement militaire) y ont participé.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son bureau ont donc menti à leurs citoyens en prétendant avoir été surpris par le Hamas.
2° Pourquoi Israël a laissé tuer les siens ?
Plusieurs hypothèses sont possibles. En voici quatre :
– Les colons résidant illégalement en Cisjordanie sont omniprésents dans le gouvernement israélien de coalition. Ils étaient sourds et aveugles à ce qui se tramait à Gaza.
– Benjamin Netanyahu, renouant avec l’idéologie de son père Benzion Netanyahu et du mentor de celui-ci, l’Ukrainien Vladimir Jabotinsky, entendait en finir avec la présence palestinienne aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie. C’est lui qui décrivait la Palestine géographique comme « Une terre sans Peuple, pour un Peuple sans terre ».
– Benjamin Netanyahu, renouant avec un vieux projet, souhaitait créer un prétexte pour justifier d’une guerre contre l’Iran et étendre l’influence d’Israël au Moyen-Orient.
Les disciples états-uniens du fasciste allemand Leo Strauss, poursuivant ce qu’ils font déjà en Ukraine, souhaitaient créer un prétexte pour justifier d’une guerre plus large contre la Russie.
Ces quatre hypothèses ne sont ni exclusives l’une de l’autre, ni exhaustives.
3° Le parallèle du 11-Septembre
Les dirigeants israéliens ont établi un parallèle entre la version officielle de l’attaque du Hamas et la version officielle des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Il s’agit pour eux de souligner la barbarie de l’adversaire, la surprise du camp du Bien et de justifier des guerres qui suivront. Lire la suite ici
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.