Q SCOOP – Vaste coup de filet antipédophile en France, une soixantaine de gardes à vue

Vaste coup de filet antipédophile en France, une soixantaine de gardes à vue

Par Jean-Michel Décugis et Jérémie Pham-Lê Publié le 8.10.2020


L’opération, lancée et coordonnée par l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) de la Direction centrale de la police judiciaire, a mobilisé plus de 200 fonctionnaires (Illustration). AFP/Lucas Barioulet

Les policiers ont baptisé l’opération « Police2Pédo ». Un nom de code évocateur pour désigner ce coup de filet antipédophile d’une rare ampleur en France. Selon des sources concordantes, pas moins d’une soixantaine de personnes soupçonnées de télécharger et consulter des images et vidéos pédopornographiques ont été interpellées entre lundi et ce jeudi matin sur l’ensemble du territoire par la police judiciaire. Une trentaine de départements sont concernés parmi lesquels l’Ile-de-France, le Tarn-et-Garonne, la Loire-Atlantique, l’Ain, le Pas-de-Calais, l’Isère ou encore l’Hérault.

Ces investigations, lancées et coordonnées par l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) de la Direction centrale de la police judiciaire, visent des internautes utilisateurs de réseaux pédophiles de téléchargement en pair-à-pair (P2P). Il s’agit d’un système d’échange de fichiers direct entre utilisateurs, sans recours à des serveurs comme intermédiaires, souvent employé à des fins illégales. D’après nos informations, les enquêteurs de l’OCRVP ont tracé les connexions des suspects et ont identifié leurs adresses IP à l’aide d’un logiciel de surveillance de conception américaine.

Des suspects aux profils sensibles

La soixantaine de suspects a été placée en garde à vue et une partie d’entre eux ont déjà été présentés à la justice en vue de poursuites ou de mises en examen. De nombreuses perquisitions aux domiciles ont été menées, aboutissant à la saisie de plus de 67 ordinateurs, téléphones ou tablettes, 100 disques durs externes, 120 clés USB ou CD… Les premiers examens informatiques font froid dans le dos : outre les centaines de milliers de photos ou vidéos sordides mettant en scène des enfants, les policiers ont découvert des faits de viols sur mineurs visant au moins quatre suspects sur des supports précieusement conservés. Ces derniers ont donc vu leurs charges aggravées dans le cadre de procédures incidentes. Mais ce chiffre de viols présumés pourrait augmenter au fil des exploitations numériques.

« L’idée était de mettre un coup de pied dans la fourmilière pour lutter contre la pédopornographie et montrer qu’il y a une veille et une vigilance permanentes, explique le commissaire divisionnaire Eric Berot, chef de l’OCRVP. Nous avons ciblé les profils les plus dangereux et inquiétants, il ne s’agit pas juste de consultations par hasard. » Un des suspects avait même téléchargé plus de 170 terra octets de données !

Parmi les pédophiles présumés figurent des personnes ayant un métier dit « sensible », c’est-à-dire au contact d’enfants : éducateurs, professeurs, fonctionnaires de mairie… D’autres ont déjà été condamnés par la justice pour des infractions pédophiles – agressions ou viols sur mineurs et détentions d’images pédopornographiques – et sont donc potentiellement en récidive.

Ainsi, sur la soixantaine de suspects, au moins 13 sont déjà connus pour de tels faits et inscrits au fichier des délinquants et criminels sexuels (FIJAIS). Les âges des mis en cause vont de 28 à 75 ans, certains vivant encore chez leurs parents. A chaque fois, les enquêteurs doivent vérifier si le suspect est bien celui qui a consulté les images interdites. « Il est arrivé qu’on utilise certains appareils à l’insu de leur propriétaire, observe un proche du dossier. C’est parfois le cas dans les familles, les personnes âgées ne protègent pas leur adresse IP. » Dans le lot, on trouve également un couple d’une quarantaine d’années du Havre, qui consultait ensemble les contenus pédophiles.

Educateur, imam, informaticien…

Ce coup de filet antipédophile a mobilisé près de 220 fonctionnaires de la police judiciaire. Il a débuté lundi matin aux aurores notamment dans le Val-de-Marne, où la brigade de protection des mineurs (BPM) de la PJ parisienne a cueilli un informaticien de 54 ans, père de famille. L’analyse de son matériel informatique a permis la découverte de plus… de 110 000 images pédopornographiques et 2000 vidéos d’abus sexuels sur des enfants. Devant les enquêteurs, l’homme a par ailleurs reconnu violer sa fille de 14 ans depuis l’âge de neuf ans, ce qui lui a valu d’être mis en examen par un juge de Créteil et écroué à l’issue de sa garde à vue.

Les interpellations – une quarantaine – se sont ensuite multipliées dans la journée de mardi par l’ensemble des DIPJ de France – Lyon ou Montpellier par exemple – avec l’appui de l’OCRVP. En Normandie, c’est… un imam d’une mosquée qui a été arrêté avec divers fichiers pédophiles sur son ordinateur. En Loire-Atlantique, les enquêteurs ont découvert lors d’une perquisition chez une cible une vidéo le mettant en scène en train d’agresser sexuellement une enfant de sept ans de sa famille. Enfin mercredi, c’est un éducateur sportif de l’est de la France qui a été confondu avec des films de viols en cours d’identification. Des séquences tournées dans les vestiaires de son lieu de travail à l’insu des victimes ont également été exhumées.

L’opération « Police2Pédo » avait été initialement programmée en début d’année mais avait dû être reporté en raison de la crise sanitaire.


Source : Le Parisien